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25.09.2018

Multifonctionnalité dans les espaces urbains

Dans notre série, nous nous intéressons à la ville du futur en prenant l’exemple des espaces publics.

Interview

[ui!] the urban Institute ®

Prof. Dr. Lutz Heuser

Entretien avec le Prof. Dr. Lutz Heuser sur le thème Smart City ainsi que sur le thème de la collecte et du traitement des informations numériques.

Hess

Plus que jamais, les mots « smart city » sont sur toutes les lèvres. Comment interprétez-vous ces termes en tant qu’expert reconnu en la matière ?

Prof. Heuser: La notion de Smart City (ville intelligente), telle qu’elle est utilisée et comprise aujourd’hui comme terme spécialisé, signifie principalement le passage au numérique de la ville. A l’origine du mouvement « Smart City », il y a sept ou huit ans, le thème « smart » était discuté de manière plus large. Plutôt dans le sens de gens et de citoyens « intelligents ».

Mais maintenant, il semble que « smart city » s’applique à la transformation numérique de la ville. Un fait qui, entre-temps, est communément reconnu. La transformation numérique touche tous les domaines d’une ville – depuis l’administration et les infrastructures publiques jusqu’aux biens fonciers, bref tout ce qu’une ville représente.

"Grâce à la numérisation, nous recevrons des informations en temps réel – nous n’allons plus espérer. Au contraire, nous allons savoir."

Qu’est-ce qui pousse une ville à devenir une ville intelligente, une « Smart City » ?

Prof. Heuser: Ce sont des problèmes concrets, que la numérisation peut mieux résoudre. Aucune ville dira : « Il faut maintenant que je passe au numérique ». Le motif est toujours un domaine d’activité concret, qui exige une solution.

Les domaines d’activité sont – notamment en Allemagne – très fortement marqués par la croissance continue de nombreuses villes. La tendance à l’urbanisation reste présente. Et à cause de cette croissance, les exigences en infrastructure augmentent, bien plus que c’était le cas dans le passé. Ce qui signife : plus de trafic, plus d’installations photovoltaïques sur les toits.

Autrement dit : plus de tout. L’infrastructure existante n’est pas conçue pour cela et elle doit maintenant quasiment « suivre ». On arrive alors au constat que la numérisation est beaucoup plus efficace que la procédure classique.

Un exemple : on ne peut pas simplement élargir les axes routiers d’une voie supplémentaire. Il faut donc réfléchir sur d’autres moyens, pour savoir comment on aborde le thème des transports. La numérisation, c’est-à-dire la fourniture d’informations numériques, joue ici entretemps un rôle central. Il en va de même pour l’espace consacré au stationnement.

Aujourd’hui, la recherche d’une place de stationnement s’effectue selon le principe de l’espoir. Je sais à peu près où une place de stationnement pourrait être libre, et j’espère pouvoir en trouver une à cet endroit. Cette réflexion est identique à ce qui se passe dans le monde totalement analogique : en fait, nous n’avons aucune information.

Grâce à la numérisation, nous recevrons des informations en temps réel – nous n’allons plus espérer. Au contraire, nous allons savoir et, avec ce savoir, nous allons prendre notre décision. Cette décision est ce que le Citoyen américain appelle une « educated decision », une décision éclairée. Elle a, pour ainsi dire, assimiler le savoir et elle aura plus de sens que la décision prise préalablement sur le principe « Je tente le coup, cela va sûrement marcher ».

Ma thèse est la suivante : aussi longtemps que j’ignore quelle est la situation dans la ville, je vais toujours espérer, que dans mon cas, ce sera différent. Si j’ai reçu l’information, que la circulation dans la ville est complètement bouchée, par exemple par un embouteillage, je prendrais une décision meilleure pour moi et je choisirais des alternatives appropriées. Le coeur du problème est : abandonner le principe de l’espoir.

Mais cela va encore plus loin : nous utilisons tous déjà largement la numérisation. À savoir sous une forme telle que nous voulons avoir des informations actuelles et tout de suite. Des canaux de communication tels que Twitter veillent à ce que tout se passe dans l’instant présent. La ville est seule à continuer de parler un langage complètement analogique. C’est à nous de l’amener, au moyen de la Transformation numérique, là où nous sommes déjà arrivés dans la vie privée depuis longtemps. Il s’agit de transformer le principe de l’espoir en une « educated decision », une décision éclairée. Et de prendre une décision sensée, à partir de ce que nous savons.

Des capteurs de stationnement, fixes sur les appareils d’eclairage public, enregistrent les places de parking environnantes et transmettent le schema de leur occupation en temps reel a une application (App) ou au systeme de navigation du vehicule.

Quels avantages en découlent pour des villes, pour leurs habitants et leurs visiteurs ?

Prof. Heuser: Il est très important, que les défis majeurs, auxquels les villes doivent aujourd’hui faire face, soient relevés ensemble. Nous devons, par exemple, régler le problème du trafic. Nous ne pouvons pas continuer avec la consommation liée à la mobilité, telle qu’elle est aujourd’hui et comme nous y sommes habitués.

Des villes comme Munich prévoient une hausse de la durée des trajets des pendulaires le matin et le soir allant jusqu’à 4 heures. Ce sont des chiffres qui défient l’imagination. Avec de tels chiffres, tout simplement, on ne peut plus arriver à temps sur son lieu de travail. Ou bien on a, comme à Tokyo, environ 16 heures de trajet par jour. C’est une vie sans aucune qualité. Si cela arrivait, Munich ne pourrait plus se vanter d’être une ville offrant une haute qualité de vie.

Les avantages sont évidents. Nous aidons à résoudre les défis les plus importants : le trafic, le stationnement qui lui est associé et, d’autre part, la protection climatique. Ce sont des tâches essentielles, qu’il faut affronter. Il reste certainement à effectuer un travail essentiel pour sensibiliser la population sur le thème. Tandis que, au vrai sens du terme, le citoyen ressent le trafic dans son propre corps, la protection climatique est quelque chose à laquelle il n’est pas directement confronté. En dehors de notre été très chaud, si on voulait prendre cet été comme un indicateur. Sur ce point, il faut faire beaucoup plus, pour expliquer et informer.

À votre avis, quelles sont les priorités des développements futurs ?

Prof. Heuser: La thématique trafic et stationnement va considérablement concerner les villes dès maintenant et dans les prochaines années. Là, il se passera et devra se passer beaucoup de choses, parce qu’entretemps la technologie est suffi samment éprouvée pour pouvoir mettre en oeuvre de nouvelles solutions.

La deuxième thématique va être l’efficacité énergétique. Actuellement, il devient évident, que l’on voudrait considérer des quartiers comme des unités d’ensemble et que le regard ne se porte plus sur la maison individuelle ou le bâtiment. La question, qui se pose, est : comment arriverons-nous à conjuguer les besoins énergétiques avec la production energétique, pour obtenir des solutions rentables ?

Actuellement, on rapporte que le Ministère de l’Économie en Allemagne examine l’accélération de la construction du pipe-line énergétique du nord au sud. C’est un moyen. Un autre moyen serait de dire : comment est ce que je peux optimiser, en les coordonnant mieux entre eux, la production locale, la consommation locale et le stockage local.

Lorsque le soleil brille, il brille sur tous les toits, et tous les systèmes photovoltaïques fournissent simultanément de l’énergie. Mais, actuellement, l’énergie excédentaire ainsi générée n’est pas retenue dans le quartier, elle part et est transportée quelque part par des réseaux de distribution. Le soir, c’est un autre courant électrique qui revient : si on stockait cet excédent dans le quartier, on pourrait synchroniser besoin et capacité.

Une réflexion conséquente montre, qu’un jour ou l’autre, on n’aura plus besoin de ces grands pipes-lines terrestres, parce que de nombreuses unités de production locales existeront. L’électricité produite régionalement a les coûts de transport les plus Faibles et le plus faible impact sur l’environnement et la vie économique. C’est la philosophie qui se cache derrière ces réflexions.

"De cette manière, les habitants de Bad Hersfeld ont été mobilisés positivement."

Hess

Pour cela, vous développez des solutions logicielles pour des villes et des communes. Quelles sont ces solutions ?

Prof. Heuser: Nous nous concentrons sur le fait de savoir comment les données peuvent être utilisées, pour fournir concrètement de nouveaux services. Ces solutions sont essentiellement une plateforme de données. Sur cette plateforme, des données provenant des différents systèmes informatiques d’une ville, sont téléchargées de manière à ce qu’elles puissent être utilisées pour offrir des services « smart city ».

Ces données se trouvent dans des systèmes informatiques, qui ont été acquis pour un autre objectif. Seulement si ces données sont rendues accessibles, elles peuvent être offertes à d’autres prestations de service. Un accès à un système informatique est toujours problématique, à cause du danger d’une exploitation abusive. C’est pourquoi, à juste titre, de nombreuses villes sont très prudentes et, en partie, ne peuvent pas imaginer un accès à leurs données.

C’est la raison, pour laquelle ces données sont extraites de ces systèmes informatiques de façon contrôlée et mises à disposition sur une plateforme de données. De cette façon, on peut en tirer un profit, sans générer de risques. C’est ce que l’on nomme des plateformes de données urbaines ouvertes.

Notre [ui!] UrbanPulse est au centre de notre développement. S’appuyant sur ce coeur, nous avons sélectionné et observé des champs thématiques, se rapportant aux défis déjà évoqués. Nous avons réfléchi, où nous pourrions proposer une autre valeur ajoutée. Sur le thème de la circulation, nous avons mis au point une méthode de prévision pour les feux de signalisation : comment on traverse la ville sans s’arrêter, en allant à une vitesse recommandée. Le procédé n’est pas déterministe, parce qu’il dépend de la situation de la circulation.

Dans ce domaine, nous utilisons la nouvelle intelligence artificielle, qui fait l’objet de débats intenses. Ce qu’on appelle l’apprentissage automatique. Ce qui signifie que les algorithmes « apprennent » comment le feu sera commuté, en fonction du comportement de la ville et des usagers des transports.

Sur ≪ Urban Cockpit ≫, la plateforme developpee par le urban instituteR, convergent differents flux de donnees urbains. Les signaux sont alors transformes en donnees comparables et utilisables et representes en temps reel comme le ≪ pouls de la ville ≫.

Nous nous penchons également de façon intensive sur la qualité de l’air ou bien sur la comptabilisation des données environnementales. Avec le scandale du diesel, ce problème est très présent. Nous nous préoccupons actuellement de quelle manière on peut établir des « cadastres microclimatiques ». En effet, nous avons un problème présent dans la ville : les stations de mesure, qui mesurent le dépassement de monoxyde d’azote, sont pour la plupart placés à des points névralgiques dans une ville. Cependant, il en existe peu. À Hambourg, il y en a peut-être dix, en tout cas pas plus.

D’autres calculs ne sont plus que des modèles mathématiques, au moyen desquels des experts peuvent prédire les valeurs de la qualité de l’air. Personne ne peut dire si la valeur est vraiment correcte ou non. Si on doit interdire la circulation des véhicules diesel dans une ville, il faut disposer de valeurs vraiment sûres. Mais celles-ci n’existent qu’aux points sporadiques évoqués plus haut. Comment peut-on prendre des décisions sur cette base ?

Nous disons : Il faut de nombreux points de mesure. Les stations de mesure sont chères et ne peuvent pas être réparties en grand nombre dans la ville. C’est là qu’entre en jeu l’appareil d’éclairage public. Il existe maintenant de petits appareils IoT ( Internet of Things ), qui naturellement n’ont pas la précision de ces grandes stations de mesure, mais sont suffisamment précis pour montrer une tendance.

En montant de tels capteurs environnementaux – justement sur les appareils d’éclairage publics positionnés de façon idéale – on dispose de bien plus de points de mesure, que ce n’est le cas jusqu’à présent. Ainsi, la ville obtient en premier lieu une tendance concernant les résultats des mesures. En quelque sorte, elles sont une base montrant la nécessité d’agir. Cela peut, par exemple, être une mesure, relevée dans un hot-spot nouvellement créé et utilisable dans des procédures légales, qui amène à formuler une interdiction de circuler.

Le thème bruit, qui est à peine thématisé, fait partie de la comptabilisation des données environnementales et fait donc également partie de ce qui doit être mesuré. Le bruit est un générateur de maladies. La mesure peut être effectuée à l’aide de microphones supplémentaires, placés sur ou à l’intérieur d’appareils d’éclairage public, qui sont idéals pour cela.

Le bruit peut aussi être mesuré au moyen d’une application (App) sur un portable, comme c’est le cas à Bad Hersfeld. Les citoyens peuvent se télécharger l’application et faire un enregistrement de 30 secondes. L’application calcule aussitôt, si le bruit est un bruit du trafic ou non, et rebascule les données sur notre plateforme de données. Avec ces informations mobiles, nous complétons les données récoltées au niveau de l’infrastructure statique.

De cette manière, les habitants de Bad Hersfeld ont été mobilisés positivement, et ont participé activement à la mesure du bruit. L’acceptation pour la saisie des données est elevée. Et même si la mesure n’est pas valable vis-à-vis d’un tribunal – les tendances suffisent pour poursuivre correctement le dialogue.

"Des villes, dans lesquelles les maires et les adjoints au maire n’assument pas et ne dirigent pas cette tâche personnellement, rencontrent des difficultés."

À quoi ressemblent les premiers entretiens à ce sujet avec une ville et une commune ?

Prof. Heuser: Les villes viennent vers nous, mais encore de façon très restreinte. Ce qui fonctionne déjà très bien, c’est la mise en réseau. Nous avons créé le « Smart City Forum », qui compte entre-temps plus de 200 membres. Dans ce réseau, les membres ont la possibilité d’échanger leurs expériences dans un cadre informel et de discuter sur des domaines d’activité relatifs à la ville intelligente (Smart-City).

Ce qui en ressort : Des villes, dans lesquelles les maires et les adjoints au maire n’assument pas et ne dirigent pas cette tâche personnellement, rencontrent des difficultés. Nous, comme prestataire de service, nous Devons parler avec différents services. Là, il y a des responsabilités qui doivent être défendues et maintenues. C’est pourquoi, le discours clair qui doit être tenu par le maire est qu’un problème existant doit être résolu ensemble, en équipe. Par conséquent, je débute mes entretiens avec le maire ou la mairesse.

Comment affrontez-vous un tel projet ?

Prof. Heuser: On convainc les décideurs, c’est-à-dire le maire ou la mairesse, d’élaborer le projet ensemble, autour d’une table réunissant les différents services municipaux, les différents domaines de la gestion administrative et aussi les gestionnaires de l’infrastructure. Ce n’est pas un thème, qui puisse être délégué dans une unité spécialisée ou un seul département municipal.

L’Union Européenne évoque la « planification intégrée », qui est nécessaire pour devenir une « smart city ». Pour une planification intégrée, il faut se réunir et ne pas laisser chaque personne planifier de son côté.

Quels sont pour vous les défis majeurs à relever ?

Prof. Heuser: Le plus grand défi , c’est lorsque le maire ou les directeurs de la ville n’assument pas la tâche de direction. Alors, on tombe dans la discussion des responsabilités et des compétences. Beaucoup de grandes villes sont emprisonnées depuis des années dans ce thème – les compétences entre les diff érents niveaux ne sont pas définies clairement. Conséquence : il y a de nombreux projets « Smart City », mais pas de stratégie « Smart City » cohérente. Il est permis de douter que ces projets rapportent, en général, autant qu’ils pourraient rapporter, s’ils étaient menés suivant une stratégie globale.

C’est pourquoi il est très important, que cette idée soit reprise et initiée par le maire ou l’adjoint au maire. De nombreux décideurs ne se sentant pas sûrs sur le sujet de la numérisation, ils le délèguent à un « spécialiste ». Ce qu’ils oublient, c’est que le spécialiste est là comme « Peer », c’est-à-dire au même rang que les autres. En ce sens, il ne peut pas prendre de décision. Au contraire des autres équipes qui reposent sur des piliers solides et tandis que chacun se préoccupe de ses propres compétences, le thème de la smart city est un thème horizontal, transversal, qui interconnecte différents éléments.

Un exemple concret : dans la ville de Bad Hersfeld, le responsable informatique a pu, avec le soutien du maire, modifier le droit relatif aux marchés publics. Grâce à cette modification, il n’est possible d’acheter que des produits connectés à internet et des produits, pour lesquels on a veillé à ce que les données collectées puissent être transférées sur la plateforme de données de la ville.

On est intervenu. Seuls des produits peuvent être commandés, qui sont conformes à cette philosophie intégrée. Il est absolument nécessaire, que le niveau directorial de la ville se penche sur la numérisation.

"Pour moi, l’éclairage extérieur est l’endroit idéal pour mettre en oeuvre la numérisation. L’appareil d’éclairage est pour moi la plaque tournante numérique, le hub numérique, comme on le dit si bien en langue allemande actuelle."

Hess

Quelle valeur ajoutée concrète l’éclairage extérieur peut-il apporter ?

Prof. Heuser: Pour moi, l’éclairage extérieur est l’endroit idéal pour mettre en oeuvre la numérisation. L’appareil d’éclairage est pour moi la plaque tournante numérique, le hub numérique, comme on le dit si bien en langue allemande actuelle. Il est au bon endroit, il dispose d’électricité et il offre suffisamment de place pour y apposer et y intégrer des fonctions supplémentaires.

Nombreux sont ceux qui considèrent toujours l’éclairage extérieur comme un pur Service d’intérêt général. Sa fonction est de fournir de la lumière la nuit. On peut aussi dire : l’appareil d’éclairage public est un facteur de coût. Avec la fonction de plaque tournante numérique et les possibilités qui en découlent, donc de concevoir de nouveaux modèles d’activité et lancer de nouveaux services, une ville est en mesure d’offrir, avec l’éclairage extérieur, beacoup plus qu’un service d’intérêt général.

Dans une ville, je peux soit fournir des services directement, soit gagner de l’argent en fournissant des données – par exemple dans la recherche de places de parking. Ainsi, un jour ou l’autre, chaque appareil d’éclairage extérieur deviendra une source de profit. Pour chaque appareil d’éclairage, la ville pourra calculer combien ce site lui rapporte.

C’est une toute nouvelle façon de penser et, à mon avis, c’est la valeur ajoutée que l’éclairage extérieur apportera. Les appareils d’éclairage extérieur deviendront plaque tournante numérique et centre de profit de la ville. Ils continueront de représenter un service d’intérêt général de la ville. Beaucoup d’autres choses vont contribuer, à ce qu’on ne compense pas seulement les coûts de la lumière : dans une démarche visionnaire, on gagnera plus que le montant de l’investissement fait dans l’ensemble de l’éclairage extérieur.

Dans vos projets, avez-vous déjà intégré des fonctions allant au-delà de la fonction d’éclairage dans des luminaires d’extérieur ?

Prof. Heuser: Oui, par exemple, des capteurs pour la comptabilisation des données environnementales, pour la fonction WiFi et pour des fonctions de sécurité. La sécurité est un thème très important. Cela va des systèmes de caméra et de haut-parleur jusqu’aux boutons d’urgence. Le projet le plus intéressant que nous ayons mis en oeuvre se trouve dans la ville australienne de Cairns.

Un parc de loisirs familial, qui avait un problème de sécurité à cause d’un public non désiré. Depuis que nous avons équipé l’éclairage de fonctions de sécurité, la situation s’est nettement améliorée

En tant qu’entreprise de logiciels, qu’offrez-vous concrètement à la ville comme composants matériels (hardware) ?

Prof. Heuser: Nous sommes une entreprise de logiciels, cela ne fait aucun doute. Mais en tant que Trusted Advisor – en tant que conseiller de confiance – nous exerçons souvent les fonctions d’intégrateur de systèmes et d’entrepreneur général. En ce qui concerne l’intégration des systèmes, nous travaillons en collaboration avec les fabricants de luminaires, de mâts et de composants.

Nous assemblons les différents éléments pour offrir une solution intégrée – ceci dans la mesure où il n’existe pas de systèmes d’éclairage multifonctionnels sur le marché, dans lesquels nous pouvons intégrer les solutions appropriées.

Nos points forts, ce sont les composants informatiques et, dans ce cas, tout spécialement les composants logiciels. Pour les capteurs environnementaux du marché, il y a par exemple de grandes différences de qualité. Justement dans ce domaine, nous possédons un très bon savoir-faire et nous avons développé nos propres capteurs. C’est aussi dans ce contexte que de nombreuses villes nous contactent et nous demandent une offre globale.

"Finalement, l’éclairage a quelque chose à voir avec l’esthétique et le design. L’urbaniste se laisse beaucoup plus facilement enthousiasmer pour un luminaire attrayant."

Quelle utilité smart / intelligente a la ville ou la commune avec l’intégration de fonctions supplémentaires dans des luminaires multifonctionnels ?

Prof. Heuser: Cette utilité particulière résulte déjà du fait, que les appareils d’éclairage sont implantés là où les gens séjournent. La ville utilise les infrastructures existantes de l’éclairage avec accès à l’électricité, pratiquement sans coûts supplémentaires.

Une autre solution consisterait à loger ces fonctions supplémentaires dans des coffrets gris, comme ceux de la Telekom. Ce qui voudrait dire : poser de nouvelles lignes électriques et installer ces coffrets tous les 50 mètres, pour assurer une bonne couverture avec le WiFi intégré et les capteurs environnementaux. De mon point de vue, ceci nuirait à l’image de la ville.

Cela va aussi dans le sens de l’urbaniste. Finalement, l’éclairage a quelque chose à voir avec l’esthétique et le design. L’urbaniste se laisse beaucoup plus facilement enthousiasmer pour un luminaire attrayant, sur lequel une petite Antenne ou une caméra est à peine détectable, que pour un coffret gris supplémentaire.

Aujourd’hui, au moyen d’un appareil d’eclairage –ici une colonne lumineuse CITY ELEMENTS de Hess –un reseau WLAN peut etre garanti d’une facon generale. En plus, tout est parfaitement integre et donne une apparence propre.

Quel autre potentiel voyez-vous concernant les applications de ville intelligente (smart city) ?

Prof. Heuser: Ce qui est sûr, c’est qu’il existe d’autre potentiel. Nous ne savons pas, ce que nous pourrions savoir, parce que les développements dans ce domaine sont très dynamiques. Nous avons développé la norme DIN SPEC 91347, qui se rapporte à l’appareil d’éclairage public avec multifonctionnalité intégrée, dit « imHLa » (integrated multifunctional Humble Lamppost).

Le terme « Humble » évoque le mât d’éclairage public insignifiant, qui devient maintenant un concentrateur réseau numérique. Il devient un « integrated multifunctional hub », un concentrateur intégré multifonctionnel, parce qu’il comprend de nombreuses fonctions supplémentaires. Dans le standard 14 de la norme, nous avons réfléchi à differentes fonctions. Une de ces fonctions était une place d’atterrissage pour les drones. Il y a deux ans, c’était encore une utopie. En 2017, à l’exposition « Smart City World Expo » de Barcelone, un mât d’éclairage avec une place d’atterrissage pour drones a effectivement été présenté.

Concernant cette place d’atterrissage pour drones, notre idée était : s’il y a un accident à proximité et si une drone peut y voler en l’espace d’une ou deux minutes, elle peut transmettre une image de la situation aux véhicules d’intervention se rendant sur place, pour garantir que les premiers soins soient prodigués dans les plus brefs délais.

Au futur, on peut s’attendre à ce que de telles drones existent dans la ville. Cela pourrait devenir une application importante dans quelques années. On pourrait alors utiliser ces drones pour d’autres choses, par exemple pour la livraison de médicaments.

Dans le secteur automobile le deuxième grand sujet s’appelle « v-to-x », ce qui signifie communication « vehicle to infrastucture ». Cela signifie que l’appareil d’éclairage « parle » directement et immédiatement avec les véhicules. Cette technologie va être utilisée, pour supporter la conduite autonome.

Les autos reçoivent de la part du luminaire par voie directe des informations supplémentaires concernant des sources potentielles de danger – comme, par exemple, un enfant passant à proximité. Dans un tel cas, on a besoin de temps de réponse très courts, pour que le véhicule puisse réagir rapidement. Ce sera la prochaine vague d’applications.

Quelles sont les informations, dont ont besoin ces véhicules, pour qu’ils puissent se déplacer en toute sécurité au milieu de la circulation routière normale? Les véhicules autonomes peuvent seulement « regarder » aussi loin que leurs propres capteurs voient. Si les véhicules autonomes circulent à une vitesse de 30 à 50 km/h et si le champ de vision ne couvre pas ces sources de danger, alors ils sont tributaires d’informations supplémentaires.

Les luminaires, qui ont une position idéale, peuvent enregistrer les données et, par exemple, adresser le message d’un possible risque de danger aux véhicules, qui maîtrise la technologie « v-to-x ». À l’heure actuelle, de tels scénarios ont déjà été envisagés, mais ils ne sont pas encore mis en oeuvre.

Cela va venir dans les premières villes, dans les 5 prochaines années. Cela deviendra une obligation, au plus tard lorsque des véhicules autonomes circuleront couramment dans une ville. Compte tenu qu’un appareil d’éclairage public est installé, par exemple, tous les 50 mètres et ceci même dans la plus petite localité, il est une solution idéale.

Merci pour cet entretien, Prof. Dr. Lutz Heuser.

[ui!] the urban institute®

L’institut urbain « urban institute® », a été créé en 2012 par le Prof. Dr. Lutz Heuser, pour soutenir des villes dans leurs efforts pour développer ensemble et utiliser intelligemment des solutions et des concepts innovants en termes de ville intelligente, de « Smart City ».

Les smart services, basés sur le cloud computing, sont au centre des activités. Leur but : utiliser efficacement des données urbaines existantes en temps réel. Notamment dans les domaines des plateformes ouvertes, de la mobilité urbaine durable ainsi que de la gestion intelligente de l’énergie.

Le groupe d’entreprises « urban institute® » est basé à Chemnitz, en Allemagne. Il a quatre sites en Allemagne ainsi que des succursales à Brisbane ( Australie), Budapest Hongrie) et New York (USA).

Site internet: www.ui.city/en

 

Prof. Dr. Lutz Heuser

En 2004, ce docteur en informatique et manager a été nommé professeur honoraire de l’Université Technique de Darmstadt et, en même temps, professeur invité de la Queensland University of Technology à Brisbane (Australie). En 2008, il a reçu le titre de docteur honoris causa de l’Université Technique de Dresde (Allemagne).

Lutz Heuser est membre de l’Académie Allemande des Sciences Techniques (acatech) et du groupe de travail « Feldafinger Arbeitskreis ». De 2008 à 2009, il a été membre du Comité directeur de la VDE (Fédération Allemande des industries de l’électrotechnique, de l’électronique et de l’ingénierie de l’information).

Depuis 2013, il appartient au groupe d’experts pour le partenariat européen de l’innovation « Smart Cities and Communities » (EIP SCC). De plus, depuis 2014, il faut partie du groupe d’experts de la plateforme nationale allemande « Ville du futur » et du groupe d’experts de la plateforme nationale « Services basés sur internet pour l’économie ».

Depuis août 2012, Lutz Heuser est Chief Technology Officer (CTO) et Chief Executive Officer (CEO) du groupe d’entreprises urban institute®.

Information complémentaire

Dans notre série, nous nous intéressons à la ville du futur en prenant l’exemple des espaces publics. Dans la première édition de notre Lightletter, nous avons discuté en détail du thème « lumière ». Maintenant nous poursuivons cette série sous l’angle « Multifonctionnalité ». À cet effet, nous avons donné la parole au Prof. Dr. Lutz Heuser du [ui!] the urban institute® – une société de premier plan en matière de logiciels informatiques et de conseil de gestion, spécialisée dans des solutions numériques Smart-City. 

 

La numérisation comme clé d’un développement urbain tourné vers l’avenir

Ne pas perdre de temps dans les embouteillages, trouver une place de stationnement plus rapidement, respirer un air moins pollué ou réduire les nuisances sonores. Bref, plus de confort et une meilleure qualité de vie dans la vie quotidienne. C’est le souhait de nombreux citoyens dans leurs villes et leurs municipalités et c’est ce que peut devenir le quotidien dans la ville intelligente de demain.

L’urbanisation galopante et les défis qui y sont liés – entre autres concernant l’infrastructure, la mobilité et l’énergie – sont présents dans presque tous les secteurs de la société. Une réorientation est plus que jamais demandée en matière de consommation, ressources et environnement.

Des progrès technologiques, comme l’internet des objets – de l’anglais « Internet of Things » (IoT) – donnent la chance aux villes et aux municipalités, de fournir des concepts de solution intelligents pour la société en réseau. Avec ces concepts, elles ont aussi la chance d’améliorer durablement les conditions de vie de leurs habitants pour le bien de tous.

Une ville intelligente utilise des technologies d’information et de communication innovantes, pour restructurer les démarches et les processus urbains – par exemple dans le domaine de la gestion des transports, de l’administration publique ou de l’approvisionnement énergétique – et pour rendre ceux-ci plus rapides, plus transparents et plus efficaces.

Mais pour cela, il faut une grande quantité de données. Ces données sont saisies entre autres par différents capteurs placés à des points sélectionnés de la ville. Elles sont analysées au niveau d’interfaces intelligentes, et partiellement offertes comme services en temps réel ou applications. Tous profitent de cette transformation numérique – y compris les villes ellesmêmes.

Finalement, un développement urbain intégré répond aux attentes et aux souhaits des citoyens, qui aspirent à des villes, où il fera bon vivre.

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