Blog

19.07.2017

Espaces urbains publics

Édition 2 de notre série thématique « Personnes - Espaces - Émotions ». Nous portons maintenant notre intérêt sur les espaces publics urbains.

Interview

Nous avons parlé avec Prof. Hinnerk Wehberg et Wolfgang Betz sur l'importance et la place des espaces public urbains.

WES LandschaftsArchitektur, Hamburg

Quand on parle d’espaces publics urbains, à quels lieux pense-t-on concrètement ?

Wehberg: Je voudrais seulement dire une phrase à ce sujet : Tout lieu où il n’y a aucun bâtiment, et qui est accessible au public, est un espace public. Il existe toutefois aussi le prétendu « Plan de Nolli » de Gianbattista Nolli de 1748 pour la ville de Rome qui, outre les places et les rues, affecte les églises et les Cours intérieures à l’espace public.

Pourquoi les espaces publics extérieurs sont-ils aussi importants pour une ville ?

Betz: Pour la société, les espaces publics sont des centres de communication: c’est là où la vie sociétale s’exerce. Les espaces publics symbolisent la compréhension au sein des villes. Ils montrent quelle est l’ambition d’une ville et aussi comment la société y est gérée. Quand nous parlons d’espaces publics, nous devons aborder également le thème de la « perception » et de l’atmosphère positive.

Wehberg: L’architecte et l’urbaniste Walter Ackers écrit que les espaces publics sont l’ « agora » (au sens des lieux de réunion) de la société. Ackers parle du « cadeau de voir et d’être vu » dans l’espace public à travers le contact avec d’autres personnes. Il utilise une autre expression : « L’espace public est une forme d’urbanité construite ». L’espace public exprime ce qu’une ville pense d’elle-même. Et c’est assez important, n’est-ce pas ?

Après son réaménagement avec des dalles de granit claires, une « terrasse de platanes » et un « tapis de tilleuls », la rue principale Meidlinger à Vienne est perçue comme un lieu accueillant et une rue commerçante attrayante.

Comment l’espace public peut-il influencer l’utilisation et le comportement dans une ville ?

Betz: Pour cela, il existe de bons exemples, comme la rue principale Meidlinger à Vienne. Une artère commerçante de 1 km de long. Avant le concours, il y a eu une analyse du milieu social qui a constaté des structures démographiques très hétérogènes ayant, par contre, des souhaits et des exigences complètement différents.

Il y a eu une étude intitulée « La route principale de Vienne-Meidling comme exemple de rue commerçante viennoise ». Dans ce cas, on a voulu valoriser l’espace public aussi comme rue commerçante. Toutefois, elle n’est pas seulement une Zone piétonne, mais aussi un espace de séjour pour la population: « L’espace public comme salle de séjour. »

Wehberg: Il y a quelque temps, j’avais reçu la visite du chef du service d’urbanisme de Sydney. Il a raconté comment les Jeux Olympiques de Sydney ont changé le comportement des personnes. Conscients que de nombreux européens aiment s’asseoir en plein air, pratiquement dans la rue, on a valorisé les rues, supprimé le trafic et installé des très nombreux cafés et restaurants. Depuis lors, le gens se comportent différemment à Sydney, on vit maintenant aussi dans les rues.

« Les espaces public – indépendamment de la taille d’une ville – sont extrêmement importants pour l’atmosphère d’un lieu. »

Vienne et Sydney sont de grandes villes. Existe-t-il des différences lorsqu’il s’agit d’une grande ou d’une petite ville ?

Wehberg: Nous travaillons actuellement à un projet pour Neumünster. Une petite ville qui essaie de valoriser complètement son centre. Les espaces public – indépendamment de la taille d’une ville – sont extrêmement importants pour l’atmosphère d’un lieu.

Betz: L’importance des espaces publics est sûrement identique, indépendamment de la taille, mais il y a des différences concernant leur évolution. Dans les petites villes, les espaces publics sont souvent plus entretenus que dans les grandes villes. Dans les petites villes, la communauté, la société fonctionnent différemment. On y trouve des places souvent plus contemplatives ou des espaces urbains centraux qui fonctionnent mieux.

Quelle est l’importance d’un lien avec le passé pour l’espace public ?

Betz: La référence historique est très importante. Nous analysons en principe le lieu avant de commencer à réfléchir. À chaque développement urbanistique, en particulier dans les villes qui ont une longue histoire, il y a une référence à l’histoire. En général, c’est logique de la préserver et de la montrer.

Wehberg: En outre, c‘est bien plus amusant de pouvoir raconter une histoire sur une place publique. Il y a à Hambourg le Gänsemarkt (littéralement « marché des oies »), mais nous l’appelions la Lessingplatz dans notre bureau. Pour la raison suivante : Lessing a travaillé pendant une longue période dans un théâtre situé près du Gänsemarkt et ce fut la période la plus importante pour lui. Puis il s’est disputé avec la ville et il a déménagé d’Hambourg à Wolfenbüttel, où il a écrit sa principale oeuvre « Nathan le Sage ».

L’idée de tolérance est le leitmotiv de cette oeuvre. C’est pourquoi, lors du réaménagement, nous avons dit que nous allions l’enlever de sa position centrale pour le placer comme un « obstacle » dans l’axe principale Gänsemarkt et Rathausmarkt, afin qu´on soit pratiquement obligé de trébucher dessus. Nous avons planté le grand tilleul, de manière intentionnelle, dans le coin en haut de la place et dans l’axe de la rue ABC. Avec une estrade en bois en guise de tribune qui, pour nous, devenait « speakers corner ».

Encore aujourd’hui, les collaborateurs du Thalia Theater se rendent au Gänsemarkt ( alias Lessingplatz ) pour y débuter la visite guidée consacrée à Lessing. C’est vraiment cette histoire qui donne à la place son caractère particulier.

Le Gänsemarkt (littéralement « marché des oies ») du centre-ville de Hambourg se présente sous la forme d’un triangle.

Betz: Je dois ici élargir davantage le terme « historique ». Il s’agit après tout de contenus. Historique et histoire sont des termes très généraux. Ce qui importe, ce sont les contenus spéciaux comme dans notre cas le personnage de Lessing, sa philosophie. Il s’agit de l’histoire culturelle et d’un état d‘esprit. Et pour plusieurs projets, il y a des références et des contenus historiques qui jouent un rôle important.

Observez-vous une évolution de la perception des espaces publics ?

Betz: Oui, dans tous les cas. Durant les 20 dernières années, on a commencé à réévaluer complètement la valeur des espaces publics. La qualité des espaces est aussi liée à la population, à la structure et à la perception. On peut également le résumer comme suit : lorsque des espaces publics sont dégradés, on adopte une attitude similaire à leur égard. Mais, s’ils sont valorisés, ils apportent une contribution positive à la société, à la communication, à la sécurité et à la qualité du séjour.

Wehberg: Je trouve que la déclaration déjà faite « L’espace public est une forme d’urbanité construite » décrit très clairement la nouvelle dimension des espaces publics.

L’architecte paysagiste Wolfgang Betz a participé activement à de nombreux projets d’aménagement à Hambourg.

Peut-on constater certaines évolutions des espaces publics ?

Betz: Exemple Hambourg. Il y a 20 ans, il existait plusieurs espaces délabrés qui n’ont pas été pris en compte. En dépit de leur emplacement exceptionnel, ils ont été considérés comme des surfaces résiduelles. Pendant des décennies, on n’a pratiqué la planification urbaine et de ces espaces qu’en fonction du trafic. La circulation a déterminé l’espace. En fait, c’est tout à fait absurde parce que la structure n’a plus aucun lien avec l’urbanisme. Un mode de pensée tout à fait nouveau est apparu dans ce domaine.

Wehberg: Pour la HafenCity à Hambourg, il y a eu un concours d’espace libre dont le concept gagnant fantaisiste et d’inspiration méditerranéenne du vainqueurpour une « ville nordique » comme Hambourg a surpris plusieurs personnes. Nous avons remarqué plus tard ce que cela a suscité. À un moment où, à l’exception du bâtiment SAP, il n’y avait encore aucune maison, les gens se sont rendus en masse à HafenCity pour regarder les étranges installations extérieures. Elles étaient subitement le point d’attraction par excellence.

Ensuite, le public a formulé des souhaits. En particulier, pour plus de verdure et d’arbres. Ce n’était naturellement pas une chose à laquelle on s’attendait dans le port. Mais, le directeur des travaux publics à Hambourg, Dr. Jörn Walter, a consenti des efforts La ville a été le thème, dans le sens positif.

Des îlots de verdure, des terrasses en bois et une magnifique vue sur l’Elbe – Les terrasses Marco Polo de la HafenCity de Hambourg invitent à s’y asseoir, s’y allonger et s’y attarder.

Quels sont les critères de qualité qui caractérisent les espaces publics attrayants ?

Wehberg: Il y avait un article d’un critique sur l’urbanisme qui disait de manière provocatrice qu’on sait, en fait, comment les villes doivent être construites. On imite celles qui fonctionnent. Si on prend Copenhague comme exemple, la planification urbaine remonte au Moyen Âge.

Ce qui est particulier, c’est que Copenhague n’a construit aucune nouvelle route, mais a supprimé celles existantes et réduit ainsi considérablement le trafic. Les zones piétonnes ont été par contre élargies. Copenhague est aujourd’hui, à côté d’Amsterdam, la ville qui a le plus de cyclistes et une vie urbaine mobile.

Betz: On peut dire en résumé : la logique de la simplicité. Mais on peut aussi énumérer des critères de qualité : un espace public doit afficher une certaine sérénité. Il doit dans une certaine mesure être discret, il doit offrir une identité, il doit créer une atmosphère positive.

En outre, les thèmes de la sécurité et du sentiment de sécurité jouent également un rôle. Il ne doit y avoir aucun sentiment de peur. Cela dépend de l’éclairage, mais aussi des coins non accessibles ou des structures étranges. Un espace devrait être délimité et lumineux, tout en garantissant qu‘on puisse s’y sentir en sécurité par le public.

« Un espace public doit afficher une certaine sérénité. Il doit dans une certaine mesure être discret, il doit offrir une identité, il doit créer une atmosphère positive. »

À propos de la lumière. Quelle est l’importance de la lumière en tant qu’élément conceptuel ?

Wehberg: À mon avis, il y a souvent trop de lumière, c’est-à-dire qu’il faut bien envisager dans quel but et en quelle quantité la lumière doit être utilisée. Et le désir de lumière, en partie aussi après la mise en scène, varie très fortement selon la région.

Betz: La lumière joue un rôle très important pour les projets. Mais, tout dépend toujours de la stratégie mise en place pour utiliser la lumière, l’intégrer dans un projet. Nous travaillons en général avec des contenus, depuis le lieu et essayons d’aborder les projets de manière logique. Les projets sont, de ce fait, explicites.

Et la lumière doit au fond, comme tout autre élément ou matériau utilisé, faire partie du concept global et obéir à cette philosophie.

Les « luminaires multifonctionnels » jouentils un rôle dans vos réflexions ?

Betz: Oui parfaitement. Plus des fonctions peuvent être intégrées dans une installation, mieux ce sera évidemment parce que l’espace paraît ainsi calme et structuré. En outre, la possibilité d’orienter la lumière dans différentes directions, de travailler sous divers angles peut être déterminante.

Pouvez-vous citer un exemple parfait d’espace public attrayant ?

Betz: Il en existe évidemment plusieurs. La place Saint-Marc, à Venise est très belle. Il y a un très bon développement urbain, l’eau et les façades. Cela permet d’utiliser les rez-de-chaussée avec les commerces et les cafés. Sinon, la place est vide, il n’existe aucun bric-à-brac, il n’y a rien de superflu et cependant, on a tout ce dont on a besoin ...

Wehberg: ... en plus, il est intéressant de constater que la place Saint-Marc fait office d‘exemple pour la place de la mairie à Hambourg et constitue le lien entre la place de la mairie et la Binnenalster. C’est exactement la même structure.

La place Saint-Marc est la place la plus importante de Venise et le modèle de conception pour la place de l’Hôtel de Ville à Hambourg.

Quelle importance l’espace public rêve-t-il pour le développement urbain ?

Betz: J’évoquerais brièvement le passé. L’espace public a toujours joué un rôle important pour le développement urbain. Il y a le célèbre plan urbain d’Hippodamos de Milet urbaniste grec de l’antiquité). Ce plan en damier avec des blocs de construction prévoyait déjà à cette époque 23 blocs pour l’utilisation comme espaces publics pour le théâtre, les thermes, les « gymnases » etc. Cela signifie que l’espace public avait toujours été envisagé et avait une fonction importante pour la société et la culture.

Wehberg: Le « Viertel Zwei » est un projet de développement à Vienne qui a beaucoup de succès actuellement. Nous avons créé, pour une zone dans ce quartier entre la foire et le stade de Football et entre les bâtiments, des espaces publics offrant une qualité de séjour élevée et une grande diversité d‘usages.

Ce « Viertel Zwei » est très populaire grâce à l’espace public et aux espaces ambiants intermédiaires. Pour les projets de développement urbain, l’interdépendance entre l’espace public et le voisinage ainsi que ainsi que l’utilisation du rez-de-chaussée est très important. Ces espaces sont souvent utilisés et façonnent en même temps l’identité.

Les exigences conceptuelles envers les espaces publics urbains évoluent-elles également, compte tenu de l’exigence d‘une qualité de vie meilleure ?

Betz: Il y a différents aspects et thèmes qui doivent être perçus d‘un oeil très critique. En raison de la densification, le jardinage urbain est à la mode. C’est une tendance dont plusieurs personnes se servent. Toutefois, si nous observons aussi de loin l’urbanisme, l’architecture et l’espace public, il convient également de protéger les espaces euxmêmes. Un thème très sensible est comment supprimer le trafic automobile et comment organiser le rapport entre les cyclistes et les piétons dans une ville.

Wehberg: Cependant, les matériaux jouent aussi désormais un rôle important, à côté de l’aménagement. On est par exemple en Train à Copenhague de remplacer les pavés en béton peu attrayants par des pavés en pierre naturelle pour créer une autre impression de qualité et, par conséquent, une qualité de vie différente.

Merci beaucoup pour cet entretien, M. Wehberg et M. Betz.

WES LandschaftsArchitektur

WES LandschaftsArchitektur a été fondé en 1969 par Hinnerk Wehberg et Gustav Lange en tant que Bureau Wehberg-Lange et depuis lors, il participe à la réalisation de projets innovants et souvent primés en Allemagne, en Europe, en Chine ainsi que dans les pays arabes.

Les points forts de l’activité de l’équipe interdisciplinaire composée de plus de 40 collaborateurs comprennent l’aménagement des espaces architectoniques intérieurs et extérieurs. En font partie la planification d’espaces extérieurs et de bâtiments, les plans directeurs, l’expertise et les projets d’urbanisme, ainsi que l’art dans la construction.Outre son bureau principal à Hambourg, WES possède des succursales à Oyten, Berlin, Düsseldorf et Shanghai.

http://www.wes-la.de

Hinnerk Wehberg

2014, conseiller de Zhuhai City (CN)

depuis 2007, conseiller et représentant de WES

depuis 2005, nomination à la Convention de la culture architecturale

2005, octroi du prix Sckell-Ring

2002, éméritat à l’Université technique de Braunschweig

depuis 1992, membre de la « Freie Akademie der Künste » [Académie des Beaux-Arts]

1992, lauréat du prix Fritz-Schumacher

1982 - 2002, professeur à Institut de l’urbanisme et de l’aménagement du paysage de l’Université technique de Braunschweig

1975 - 1985, membre de la Commission artistique de la Ville libre et hanséatique de Hambourg

1969, création du Bureau Wehberg-Lange (aujourd’hui : WES)

1966 - 1969, professeur invité d’art et d’architecture à la HfbK (École des Beaux-Arts) de Brême

1964 - 1970, Visiting Lecturer au Hornsey College of Art de Londres

depuis 1964, membre de la Confédération des artistes plastiques

1963, British Council Scholar Londres

1962 - 1969, peintre et sculpteur indépendant à Hambourg, réalisation de projets d’art architectural, art architectural et art dans les espaces publics, aménagements d’espaces ecclésiaux

1961, lauréat du prix artistique Neues Forum de Brême

1957 - 1962, études de peinture à la HfbK (École des Beaux-Arts) de Hambourg ; examen de professeur d’arts plastiques

Wolfgang Betz

depuis 2002, membre de la Commission artistique de la Ville libre et hanséatique de Hambourg

depuis 1999, mandat d’enseignement en aménagement d’espaces non construits, dans la section architecture de la HAWK (École Supérieure des Sciences Appliquées et des Arts), Hildesheim

depuis 1996, associé de WES

depuis 1992, architecte paysagiste indépendant

1990 - 1996, collaborateur indépendant du Bureau Wehberg-Lange-Eppinger-Schmidtke

1990, collaboration avec le Bureau Gerhart Teutsch, Munich

jusqu’en 1989 études en architecture paysagère à Weihenstephan ; ing. dip. (HES)

Loading...